#87 Black Lion en Transat Sud, nous sommes dissociés du monde - PARTIE 4
#87 Transat partie 4 (…)
28 mars, rien, cette nuit, pas un souffle d’air, les moteurs ont ronronné six heures et quel bonheur quand le spi se déroule et les machines cessent ! À cette toile, mon capitaine a adjoint la grand-voile mais je le soupçonne de vouloir me faire faire un peu d’entrainement, toutes les deux heures, si ce n’est pas moins, il nous l’a fait remballer ou relever ! Semble-t-il pour mieux prendre le vent qui varie en quelques secondes de cent vingt degrés ! Incontestablement, il a raison, à chaque fois, la vitesse augmente et le confort s’en ressent, ce qui n’empêche qu’à midi nous n’avons pas pu faire mieux que 92,9 milles, le point 15º21'912 sud ; 07º11'280 ouest est dépassé, infatigablement notre lion épaulé de son automatique pilote maintient sa route et nous nous laissons transocéanner, détachés des réalités terriennes ! Nous sommes comme dissociés du monde, isolés des mauvaises nouvelles, des rumeurs et des fake news, en équilibre avec la nature, juste, elle et nous, en adéquation total…
29 mars, la navigation est paisible ! Nous nous plaisons à penser que Sainte Helene joue un rôle de frontière océanique. Les éléments paraissent plus posés, tous dans le même sens, ils nous entrainent entre 10 et 15 nœuds vers l’ouest que l’on vise à une moyenne de 5,3 nœuds. À 14º40'772 sud et 9º07'312 ouest, nous avons effectué 119 milles. Nous prenons soins de nous, prenons le temps de respirer, d’observer, de vivre pleinement cette navigation. Combien sommes-nous à avoir traverser cet océan cette année ? Quelques irréductibles, indociles et rebelles aux restrictions mondiales. Quelques indépendants émancipés et indomptables guidés par la liberté !
Il ne fallut pas attendre longtemps pour sortir de la pénombre, à peine les dernières lueurs à l’ouest s’estompaient qu’une radiation cuivrée apparaissait à l’est. Le disque lunaire était en train d’éclore de derrière l’horizon ! Démesuré, dans toute sa rondeur, il s’extirpait du fond de l’océan en se reflétant sur lui d’un large rayon qui semblait être le faisceau d’un projecteur puissant. À mesure que cette lune montée, nos voiles s’éclairaient et la nuit s’avançait…
30 mars, au petit matin, des nuages se sont amoncelés tout autour de nous, le temps est grisonnant et l’océan est repartie dans une danse spasmodique, le vent reste faible. Quelques gouttes de pluie nous font croire qu’une belle averse va rincer le pont, mais ce n’est qu’une supercherie pour nous tenir sur nos gardes. Sans se laisser perturber, Blacky tient son cap, déterminé, il avance, 119 milles à 14º07'604 sud, 11º00'739 ouest. L’air reste humide et les nuages diaprés de fin de journée qui s’ajoutent à la moiteur environnante nous rendent méfiants, certainement des restes de souvenir de l’océan indien !
