Voilier réalité Naviguer comme si vous étiez à notre bord⛵️⛵️
#161 Navigation depuis la Jamaïque, déroute sur Luperon
✍️Vendredi 3 juin, faut-il que je parle de superstition à mon capitaine ? Je crois que je vais m’abstenir, d’autant que je me doute qu’il a dû y penser aussi ! Déjà que la délibération sur notre prochaine destination, nous a bien fait cogiter, on ne va quand même pas, en plus de trouver la bonne fenêtre météo, s’appuyer sur de vains présages pour naviguer !
7 heures, le réveil n’a pas eu besoin d’être programmé, nous étions debout à l’aube. L’écrin de verdure de la Jamaïque s’éloigne. Avec lui, le beau phare rouge et blanc de Port Antonio. Le genacker et la grand-voile ont le bon réglage, Blacky est lancé, cap 63º, à 7,2 nœuds par 10 nœuds de vent vrai. Ce n’est pas à notre habitude d’aller vers le soleil levant. En tour du monde, l’idéal c’est d’aller d’est en ouest, poussés par les vents. D’ici, cela nous aurait probablement porté vers le Guatemala, mais nous avons une priorité. Revoir notre fils. Il a débuté sa traversée de l’Atlantique en solitaire il y a quelques jours et devrait se retrouver en Guyane sous quelques semaines. Cet évènement majeur contribue grandement à notre choix d’un retour sur les Antilles. Cependant, malgré le criblage minutieux des prévisions météorologique par mon capitaine, l’alternative n’est pas sans conséquences ! Nous allons inévitablement, à un moment donné, nous retrouver vent de face ! Mais nous nous sommes préparés mentalement et avons tout checké consciencieusement. En supposant que les variations de vents annoncées restent fiables, nous devrions avoir du sud-est en début de traversée, des zones de pétole, du bon plein, certaines fois soutenus et du pré que l’on ose espérer, modéré.
Comme diraient nos amis Québécois : « c’est pas si pire ! ». Premières vingt-quatre heures, 146 milles, voiles réduites au foc et un ris, appuyées de quatre heures de moteur en pleine nuit. Mais le plus dure vient du courant. Nous sommes brassés dans des tonnes de sargasses et de déchets plastique. La désolation est à son comble dans le Windward passage au nord-ouest d’Haiti. Des micros-particules de synthèse par millions dérivent au gré du flux. Nous nous sentons tellement impuissants ! Entrainées par le courant, les vagues s’attisent, s’énervent et quand elles sont bien irritées, paf ! D’un coup sec, envoient la plus survolter d’entre elles, déferler sur Black Lion. Le thermique que nous espérions près de la terre n’existe pas ! Nous avons belle et bien du vent de face, 15 nœuds, avant de devoir allumer le moteur entre 17 et 19 heures. Même histoire au petit matin du 5, une heure quarante au son sourd d’un de nos propulseurs.
Comment peut-on faire confiance à la seule énergie motrice ? Pourtant, le concept existe, puisque des catamarans sont conçus, avec pour unique propulsion, des turbines. Il nous semble cependant que ce système ne peut s’adapter à un tour du monde. Imaginez-vous, 24 heures sur 24 avec ce ronron infernal. Mais ce n’est pas tant ça ! Il y a les côtés : entretien, finance, pollution et un point qui n’est pas des moindre, la tranquillité d’esprit ! J’imagine mal mon Tchoupi serein, sans voiles, déjà qu’avec, dès qu’il doit mettre le contact, il angoisse, c’est un coup à lui réduire son espérance de vie ! Heureusement, pour le moment, les calmes plats, ne dure jamais plus de deux heures. Le reste du temps, nous sommes sous grand-voile et genack. Mais tout ça ne va pas durer ! Les prévisions sont sans appel, le vent va se renforcer pile dans notre près ! Et en observant bien, si l’on considère le magnifique halo qui se trouve autour du soleil, nos conditions jusqu’ici plus ou moins bonnes, vont fort probablement se dégrader ! …
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