#115 Dérouté 3 fois, analyse d’un coup de vent à 45 noeuds, 120 milles entre Union et Trinidad 🇹🇹
#115 ✍️Nous nous préparons pour 118 milles de navigation. Direction plein sud avec un vent, qui après toutes les petites îles perturbatrices, devrait se maintenir Nord-Est et nous porter trois quarts arrière jusqu’à Trinidad. Jusqu’à là, nous avançons sous voiles mal réglées, enfin du moins, bordées au max, en attendant de sortir des déventes ! Dans cette confusion venteuse, le constat est sans équivoque, la mer agitée est détestable ! Néanmoins, ce désordre marin à un avantage, il concentre les poissons, et notre nouveau petit leurre fait ses preuves…
Sous toiles réduites, deux ris et foc roulé d’un tour ou deux, Black lion s’apprête, sans le savoir, dans la lourdeur de l’air à passer une nuit de déroute !
Le crépuscule vient juste d’avaler les dernières lueurs et l’obscurité est déjà complète. Tous nos instruments sont réglés pour la nuit. Baisse de luminosité, alarmes de vent, vitesse du bateau, radar, Ais, Vhf sur 16. Justement, c’est elle qui nous fait sursauter par un grésillement ! Black lion…Black lion… Black lion… Port side, starbord, les mots se mélangent. Il faut loafer. Un navire à manœuvres restreintes est sur notre trajectoire. Son CPA (Closest Point Appoach), plus précisément, sa distance estimée la plus proche d’une possible collision, est trop faible. Nous devons nous en éloigner, d’autant que le bateau en question est un remorqueur suivit d’une barge ! Plus tard, ça sera un voilier, tout feux éteins, par peur de se faire repérer par d’éventuels pirates, qui nous fera dévoyer, avant qu’un cargo nous demande à son tour, de bouger. Si ce n’était que ça, nous aurions pu passer cette nuit dans la catégorie, fantasque, mais c’est au titre de perverse que nous la surclasserons…
Dans la noirceur profonde, les lumières des plateformes pétrolières aveugleraient presque, mais il n’y a aucun doute, les émissions radar l’affirment, nous passons loin d’elles ! Par contre, l’anémomètre qui monte reste incompréhensible ! Aucune masse n’est détectée… Nous nous faisons surprendre ! Le vent active sa cadence, envoi ses rafales, nous désarçonnes. 40 nœuds, il faut agir vite, très vite et pour ça, je peux compter sur mon capitaine. Il vient de se mettre au portant. 45 nœuds violent. Trop tard pour virer vent de face et baisser la grand-voile, c’est la casse assurée ! Nous devons prendre la fuite en bordant les voiles au maximum pour maintenir le mât. Je ne m’y fais pas ! Le bruit du vent me bourdonne dans les oreilles, dehors c’est infernal ! J’essaie de gérer mon stress, de ne pas paniquer. Il n’y a pas de raison, Cyril ne fait qu’un avec Blacky, tous les deux tiennent bon le cap. Les étraves sont submergées, notre lion rugi à 17 nœuds. Son avancée est folle. Je prends sur moi, filme pour essayer de me calmer. On aimerait être ailleurs, trouver la bande d’arrêt d’urgence ! Et les éléments continus à se déchainer, le temps devient interminable. À l’intérieur, comme pour me rassurer, notre félin inflexible, atténue le fracas du vent et des vagues. Je nous imagine, tous les trois embullés dans une cloche protectrice. Je me cramponne au pied de mon capitaine, et tout s’accélère, Black lion détale à 19,7 nœuds. Au portant, à 175º du vent, il n’a pas le droit à l’erreur, l’empannage serait malheureux. Je n’aime pas ça. La soif nous tiraille la gorge. À cette vitesse, tout peut vite dégénérer. Et ce vent qui nous pousse vers le Venezuela, vers la côte, les cargos, peut-être même vers des filets de pêche ! Le foc déventé par la grand-voile fasaye. Les alarmes augmentent le stress. La concentration de mon capitaine est à son comble. Et ce grain si imprévisible devient enfin visible sur notre traceur, c’est certain maintenant, il s’est formé juste au-dessus de nous.
Puis Éole modère son haleine, il est temps d’essayer de réduire la toile. Sous la lampe de pont, je surveille mon intrépide Amour qui s’est harnaché au mât. C’est impressionnant, ça siffle, ça souffle, ça déferle…Et comme j’aurais aimé que l’on ait les prises de ris directement au poste de pilotage. La poulie de l’enrouleur du foc a cassé, il faut récupérer celle du gennaker et tout ça dans le calme…
La tension redescend, on s’en sort bien, il est six heures. Quel affranchissement ! Le vent s’est calmé, nous nous sentons vidés, extenués, mais nous sommes arrivés…
Pas de temps à perdre, avant de nous écrouler de sommeil et être totalement libre, nous repartons dans les papiers administratifs d’entrée. Et là, ne cherchez pas la cohésion car il n’y en a pas ! Toutes nos démarches précédentes semblent inexistantes, reste plus qu’à tout recommencer !
Nous sommes vannés. Un coup de vent de nord nous empêche de nous reposer. Mon capitaine a la nausée….
Le livre de notre premier tour du monde c’est ici :
https://www.bookelis.com/voyage/35580-Hisser-les-voiles-jusqu-au-bout-de-ses-reves.html?fbclid=IwAR0MaBAblsmpF_dZsjDKgT93pylYqblfGse-pRSNfim_IFZRP5a4v8340rU#/22-type_livre-papier