#91 Navigation entre le Brésil et la Guyane #1
#91 Transat sud partie 8
Encore sous l’influence des éléments de la nuit, mes yeux émergents doucement. Sur le pont s’est étendue l’humidité des averses nocturnes, celles qui nous ont tenues en alerte en segmentant notre sommeil. C’est ajouté à ces grains épisodiques, les échos des cargos, mais ce matin, nous sommes récompensés de notre assiduité ! Accolés à notre fier Lion, sinuent avec élégance des sosies de Flipper, ceux que l’on appelle les tursiops trincatus, ou plus communément les grands dauphins. Délicats, ils semblent par des mouvements lents, prendre leur temps, langoureusement, ils s’adaptent à notre vitesse, nous laissant tout le plaisir de les admirer !
Jour un, 04º53'340 sud ; 35º04’92 ouest, 130,1 milles, nous sommes déjà obligés d’arrêter de pêcher, avec une dorade coryphène de plus, tous nos moyens de stockage sont pleins, nous mettons même quelques morceaux à sécher pour de futur mises en bouche apéritive ! D’ici, la limite des 15 milles que nous nous étions fixés pour éviter les pêcheurs est trop juste, nous devons encore nous en éloigner, et puis, au niveau du Cabo Calcanhar, à l’extrême est de l’Amérique du sud, beaucoup de hauts fonds décident mon capitaine à prendre de la distance, nous serons plus tranquilles dans les profondeurs au-delà des milles mètres à un peu moins de quarante milles de la côte.
Après leur longue cavalcade transocéanique, les vagues drossées à terre se sont rangées, suivies du courant qui nous est, maintenant, portant ! C’est juste parfait, mais mon tchoupi n’est pas bien ! Pensant l’expiration dans les temps, je lui ai fait manger une compote passée d’un mois que son estomac ne supporte pas ! Petite nature !
15 avril, tandis que dans l’Indien, la masse longiligne qui bouche le ciel à notre vent, n’annoncerait rien de bon, dans l’Atlantique sud, elle passerait presque inaperçue ! Bien sûr, rien n’est à prendre à la légère et la prudence reste toujours de mise, néanmoins, je suis beaucoup moins anxieuse que lorsqu’un monstre pareil se formait dans l’antre du géant redouté. C’est donc par 3º53'952 sud et 37º01'828 ouest que nous écumons le premier grain à 25 nœuds d’une longue série. Inutile de dépeindre la triste mine atmosphérique qu’apporte une telle succession d’animations, le feuil est si épais que tout en devient terne et blafard, seuls des petites tâches jaunes persistent, ce sont des papillons ! Certainement portés par le vent de terre, ils tournoient, abusés par le souffle qui les encourage à une course improbable ! Celui-ci à 30 nœuds, risque de les charrier au-delà de leur espérance, peut-être même les transportera-t-il à l’orée de ce couchant que nous n’espérions plus tant la nappe nuageuse s’y était agglutinée !
