Peut-on continuer à naviguer aux Antilles pendant la saison cyclonique ?
#166 Saint-Martin et navigation vers la Guadeloupe
✍️22 juin 2022, on parle de solidarité en mer, comment pourrait-on faire autrement ! Nous comprenons tellement ce qu’est de se prendre un coup de tabac. De sentir cette angoisse à l’estomac, de se sentir à la merci de l’océan, d’être si fatigué que la réflexion en devient un effort ! Ça se voyait sur son visage. Les éléments ne l’avaient pas ménagé. Comment peut-on se permettre de juger ? À sa place, personne n’y était. Nous, nous imaginons. Nous avions les mêmes conditions. Après le stress vient la délivrance, le repos et enfin les réparations. Et sur ce coup-là, mon capitaine répond encore présent. Il change la pompe à eau du moteur de notre rescapé, avant même de s’attaquer au nettoyage de notre cuve à gasoil. Elle en avait bien besoin. Pas étonnant que l’on ait eu ces soucis, elle était complètement maculée de bactéries.
Entre quelques soirées arrosées, il faut continuer d’avancer sur la maintenance. La saison cyclonique approche. Cette première dépression en est la preuve. Nous serons plus sereins, plus bas dans les Caraïbes. Cette redescente depuis les Bahamas a été éprouvante pour Blacky, pour mon capitaine et pour moi. Le plus gros est fait, pourtant je reste crispée ! Mon instinct maternel m’empêche de me détendre. Jonathan est en mer. Son pilote automatique a encore cassé. Il va assurer comme toujours, je le sais, mais c’est plus fort que moi, je suis inquiète ! Ce qui me conforte c’est que la distance qui nous sépare diminue tous les jours. Plus encore avec les 140 milles que nous allons effectuer jusqu’en Guadeloupe.
Un dernier rafistolage à notre grand-voile. Un ris, foc à poste et c’est parti au bon plein, du moins pour le début. Le grain se voit de loin, mais celui-ci n’est pas une menace ! Il devrait rester sur la chaine. D’ailleurs, ils doivent bien se connaitre tous les deux pour que les courbes montagneuses soient si vertes ! Les autres amas nuageux, c’est une autre affaire, ils vont jouer de leur magie en apparaissant soudainement ! Il faut s’attendre à avoir des précipitations jusqu’à demain. Finalement, rien ne presse, nous nous arrêterons pour la nuit à San Christopher.
Certains vont dire que nous sommes inconscients de naviguer en périodes cycloniques. Cependant, contrairement aux idées reçues, il est parfaitement possible de bouger dans les Caraïbes, comme ailleurs durant ces laps de temps. Il faut savoir, qu’entre le moment où est détectée et confirmée une dépression, nous avons largement le temps pour nous décider où aller nous abriter. Bien entendu, ce cas de figure tient uniquement si nous ne restons pas non plus dans une zone à hauts risques comme les Bahamas. C’est pourquoi, nous voulions aussi rejoindre des longitudes plus clémentes.
L’herbier a encore prouvé que notre Rocna n’est pas faite pour ce genre de mouillage. Nous avons dérapé de plusieurs mètres cette nuit. Derniers milles sous le vent de Saint Kits et on repart pour une valse océane ! 12 nœuds de vent, mer de 25. Deshaie est à vue, un énorme grain aussi ! Notre foi nous dicte de tout affaler. Les dauphins sont là pour notre arrivée !
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